Recherches à propos de l'histoire des Grandes-Dalles

par
Françoise Jouette, Frank Voisin et Michel Darves.



Un pas vers le cadastre napoléonien


1/ Une capitainerie aux Grandes-Dalles.
Voilà, il y avait les ruines de ces murs sur la photo laissant penser aux ruines d’une maison parallèle à celle que l’on voit et le cadastre de 1824 qui indiquait un bâtiment orienté parallèlement au rivage.


Ces deux photos semblaient se contredirent du moins en apparence… (il faut juste préciser que cette photo est extraite d'une carte postale vers 1900 et que le cadastre est un extrait de 1824 du cadastre des Grandes-Dalles...).
Dans nos échanges Frank Voisin évoque le fait que le bâtiment du cadastre était plus ancien encore et pouvait représenter la capitainerie présente aux Grandes-Dalles.

Une capitainerie aux Grandes Dalles?

Après des recherches je trouve sur le site des Petites-Dalles une carte des capitaineries qui confirme les informations de Frank.
Pour illustrer ce que Frank Voisin m'a appris, je reprends ici ce qui est présent sur le Site des Petites-Dalles - Jean-Claude Michaux :
 


Carte des capitaineries des Gardes Côtes de 1640


Cela confirmerait le fait que les Grandes-Dalles étaient un port important. On imaginerait difficilement l'implantation d'une capitainerie dans un port secondaire...
Et puis coup de théâtre en observant une carte postale je m’aperçois que le mur qui semblait en apparence un mur de pignon n’en est pas un et est en fait un mur latéral. De plus deux meurtrières semblent y être présentes.
Voilà cette carte postale elle montre que le mur, à gauche sur la photo, n’est pas un mur de pignon et confirme la représentation du cadastre... Les meurtrières confirment qu’il s’agit d’un bâtiment militaire trace matérielle de l’ancienne capitainerie.




2/ Des traces d'un port sur le cadastre napoléonien ?


Un mystère aux Grandes-Dalles...
Voilà ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est là en bord de mer, devant vos yeux, sur ce cadastre de 1824... C'est surprenant non ?

Voilà, le cadastre de 1824 laisse apparaître des constructions non numérotées en bord de mer, la question de savoir ce qui est représenté là se pose.



Leur positionnement laisse penser soit à des aménagements portuaires soit à des structures militaires voire des bâtiments, mais dans ce dernier cas il resterait à expliquer pourquoi ils ne sont pas numérotés.


A noter la forme générale du prolongement de la voie qui fait penser à un épi, ou à une jetée. L’orientation par rapport à la retenue des galets est conforme. De nos jours encore un des épis aux Grandes-Dalles à cette logique.
Bien sûr vous me le ferez remarquer, s'il s'agissait d'un port, il y aurait comme un phare à son entrée ou quelque chose comme ça, un feu ? reposant sur une construction... Mais dans ce cas cela devrait être présent sur la carte, non ? Bon, regardons-y de plus près... Je reconnais mon hypothèse très osée, mais sinon que pourrait être ce carré en plein milieu de l'eau ? En complément à noter que ce feu pourrait être placé pour signaler aux bateaux entrant au port la présence des Catelets... A noter aussi la forme de la voie aujourd'hui disparue. C'est une forme qui rappelle celle des épis et qui retient les galets et qui potentiellement protège d'autant les constructions du travail de la mer... Coïncidence ?



3/ D’autres traces du passé

Je vous propose une nouvelle énigme... Forcément si nous retenons cette idée que dans les choses du présent il y a des traces du passé, comme ce mur de la capitainerie dans cette carte postale, alors pourquoi ne pas aller plus loin... Moi dans cette carte postale il y a trois choses, en plus du mur, qui me font penser à des traces du passé...et vous ?



4/ Une structure surprenante

Concernant les traces du passé, sur la carte postale. Commençons par celle-ci, il existe une incohérence dans la construction de la bordure en brique de la voie. En effet sur celle côté Petites-Dalles existe une partie vide, qui affaiblit l'ouvrage. Alors pourquoi n'est-elle pas comblée? Et cette partie serait-elle des vestiges d'un autre ouvrage ?


Sur une autre carte postale, il est possible de constater la même situation, mais là la cause semble en être une tempête :
L'hôtel de la plage a été fortement touché par la tempête. Plusieurs effondrements de terrain sont apparus. Par endroit il ne reste plus que l'encadrement en brique du mur, la partie en ciment emportée par la mer laisse un vide au centre créant ainsi une communication directe entre le front de mer et la mer...

La question se pose donc de savoir si c’est la mer lors d’une tempête qui aurait provoqué la disparition des structures portuaires « aux mêmes causes les mêmes effets ». Cette bordure évidée en serait la trace…

5/ Evolution du bâtiment en front de mer


D'un côté le cadastre indique un bâtiment en front de mer parallèle
au rivage, de l'autre côté la carte postale aussi. Oui, mais voilà celui de la carte postale va de la falaise à la route, mais pas celui du cadastre qui semble plus petit.


... et si le bâtiment de l'hôtel laissait des traces de rajout de chaque côté effectué sur un bâtiment plus petit... Cela serait trop beau non ? Et bien voici ces deux traces du passé supplémentaires. Pour aujourd'hui justes des flèches, mais je vous promets de vous apporter des preuves...
Bon je n'ai pas oublié qu'il fallait que j'étaye un peu cette histoire de bâtiment auquel auraient été rajoutées deux parties de chaque côté, deux extensions... Commençons par l'arrière du bâtiment, il y a-t-il des traces de ce rajout?




Et voici pour la façade avant..



Compléments...à force d'être plongé dans tous ces éléments, il se peut que je prenne des raccourcis et que je vous perde là par manque de clarté... Concernant les chiens-assis dont je me sers pour repérer les transformations du bâtiment en front de mer, je joins deux photos une de l'arrière à l'époque de l'hôtel et une côté mer à l'époque de l'hôtel. Pour être précis, dans un cas il a eu rajout de deux chiens-assis côté Petites-Dalles et quatre côté Saint-Pierre. Soit 5 chiens-assis côté Petites-Dalles et 7 côté Saint-Pierre c'est bien ce que l'on observe sur les cartes postales... En espérant avoir apporté un peu de clarté dans tout cela... En fait c'est après que cela se complique…



Pour le bâtiment vous allez me dire que l'on peut démontrer tout et son contraire et qu'au final rien ne pourrait remplacer une vue réelle de ce bâtiment là que je prétends préexister à cette barre en front de mer... Oui un bâtiment avec un gros chien-assis central avec de part et d'autre trois chiens-assis, oui une photo comme celle-ci par exemple.


6) Chemin, jetée ou épi sur le cadastre de 1824
Un trait qui pourrait avoir son importance...
Concernant le cadastre de 1824, intéressons-nous au prolongement de la voie qui traverse les Grandes-Dalles et qui avance vers la mer. Cette avancée pourrait-être un épi ou une jetée, ou encore un chemin sur la plage dans sa partie restant hors eau. Dans ce dernier cas il n'y aurait pas une limite précise de fin et donc pas de trait contrairement à un épi ou à une jetée.
Bon je ne sais pas si je suis clair donc voici un schéma... La réponse est dans le cadastre et cette partie de celui-ci comporte une froissure à cet endroit rendant la lecture difficile...



Deux photos pour expliquer ce que cela change la présence d'un épi ou d'une jetée par rapport à un simple chemin...





L'exemple d'Yport... Voilà vous comprendrez mieux ainsi ce qu'apporte une jetée en plus de l'épi. Potentiellement un accostage d'un bateau un peu plus lourd difficile à remonter au cabestan... Notez bien d'un côté de la jetée la retenue de galet permet une plage persistante permettant l'installation de structure permanente et là devant une partie pleine eau permettant l'accostage d'un bateau. Alors pourquoi pas aux Grandes-Dalles ?

Cela semble malgré tout peu vraisemblable cette histoire d'un bateau qui serait là du côté de la jetée où l'eau monte le plus...

Encore que.... et bien si cela est possible, la preuve... alors pourquoi pas aux Grandes-Dalles ?



Arguments affaiblissant l'hypothèse d'un chemin... Cette hypothèse repose sur le fait que la mer était plus reculée par le passé... Un chemin aurait pu comme aux Petites-Dalles avancer sur le rivage. Cependant la question se pose de sa forme et de son orientation. La fonction du chemin n'étant pas de retenir les galets son orientation ouest ne semble pas se justifier ni même sa forme en coude. Par ailleurs comment expliquer des constructions que d'un côté de ce chemin, rien n'empêchait la présence de constructions de part et d'autre. Pour illustrer cela, je reprends la carte concernant l'hôtel Bouillon aux Petites Dalles et qui était installé en partie sur le rivage... Et qui fut emporté par une tempête...


Une étrange analogie entre le cadastre napoléonien des Grandes-Dalles et ce que l'on observe à Yport...
Présence aux Grandes-Dalles d'un bateau trois fois plus grand qu'une caïque yportaise.
Sur le site des Petites-Dalles, Jean-Claude Michaux précise :
--- Dans un mémoire de la marine de 1728, François Sicard (9), dans la partie consacrée à la pêche dans l'Amirauté de Saint-Valery-en-Caux, nous donne des indications chiffrées précises sur les flottilles des ports..."aux Grandes-Dalles, 1 bateau de 20 tonneaux, 8 de 5 tonneaux et 4 pêcheurs riverains."
...L'équipage de bateaux de 6 tonneaux devait être comparable à celui des caïques d'Yport... ---
La question se pose de l'échouage d'un tel bateau. Pouvait-il être échoué par remontée au cabestan ou bien laissait-on la marée descendre pour l'échouage. Et dans ce cas la présence d'une jetée sur laquelle on pouvait l'amarrer à marée haute ou moyenne n'était-elle pas une aide voire une condition nécessaire ?
Imaginez ce bateau faisant trois fois cette taille là...et imaginez son échouage...


Retour sur le cadastre...Bon là je vous autorise à ne pas me suivre mais quand même regardez là en bout de cette "jetée" vous ne voyez pas quatre points? Je laisse le cadastre intact afin de ne pas vous influencer...



Bon je mets des flèches pour les montrer... J'y peux rien moi je vois quatre points... Et la question est de savoir si c'est une altération du plan dû au vieillissement ou bien des points qui auraient volontairement mis là par celui qui a fait le cadastre...



Voilà pourquoi moi je pense qu'il s'agit de points fait volontairement par celui qui a fait ce cadastre : ces quatre points sont alignés deux à deux et forment un rectangle... J'ai tracé des lignes jaunes reliant les points deux à deux et j'obtiens un rectangle... Alors si c'est tracé volontairement la question qui vient mais qu'est-ce que cela représente ? sur le bout d'un chemin ? d'un épi ou d'une jetée ?

Un truc carré en bout de chemin ou d'épi je vois pas, par contre j'aurais bien ça à vous proposer en bout de jetée...

Et là vous me dites, non ce n'est pas ça parce que le point représentant le phare n'est pas représenté. En fait je crois bien que si... et il est placé pratiquement au centre du rectangle...




Et si il y avait encore un truc, un quelque chose qui cloche, qui colle pas et qui conduirait à penser qu'une structure a existé en front de mer et évidemment à l'endroit où je suspecte l'existence d'une jetée... Pour ça il faut revenir à une des plus anciennes cartes postales des Grandes-Dalles celle où l'hôtel n'est qu'un bâtiment composé de sept chien-assis. Je vous laisse regarder, c'est là devant vos yeux... il y a truc énorme !!!

Au départ je voyais les choses j'imagine comme vous, là cet ensemble de mur et de bordures en brique font forcément partie d'un même ensemble. Nous pourrions presque y croire en regardant cette carte postale là, tout semble coller... tout date de la même époque ?

Même sur cette photo là tout semble bien cohérent, enfin presque revoilà cette bordure avec un vide en dessous, si si vous vous rappelez cette partie évidée, là à gauche...



En fait c'est exactement ça, cette partie là elle existe avant la bordure et le mur en front de mer de l’hôtel qui sont absents sur la carte postale de départ...


Alors maintenant regardez cette structure, entourée en rouge, celle-ci existe avant le mur en front de mer, nous en avons la preuve, et donc ce n'est pas celui-ci qui peut expliquer son existence. Autrement dit ce n'est pas pour les besoins de l'hôtel un simple mur aurait suffit. Mais alors elle sert à quoi, pourquoi avoir construit cet ensemble ?


Frank Voisin :
Tu ne penses pas que le cabestan des Yportais servait également aux grands-dallais ? Mais de toute façon, à l'époque de l'hôtel, il n'y a plus de flottille de pêche aux Grandes-Dalles (si ce n'est quelques Doris et canots à clins légers), la quasi totalité des marins grands -dallais naviguant à la grand pêche. Par contre, je pense comme toi que les fondations de ces murs peuvent être des vestiges de la jetée.

Michel Darves :
Justement le cabestan, ça c'est une question intéressante. Car sur la plage aucun cabestan grand-dallais n'est présent. Alors oui mais pourquoi mettre un cabestan aussi loin, en fait sur une carte postale il est précisé que c'est un cabestan de secours des Yportais donc pas utilisé fréquemment. Pourquoi une telle structure pour un seul cabestan et qui est peu utilisé ? Sachant que les cabestans sont placés comme ici à Yport les uns à côté des autres en haut de plage... Pourquoi cette structure ne serait-elle par prévue pour les cabestans des grands-dallais mais celle-ci est bien trop étroite pour cela... Je pense qu'il est surprenant de voir une telle structure sans explication là où une jetée était sensée commencer... :-).

Michel Darves :
J'ai lu sur le site des Petites-Dalles (Michaux) qu'en 1728 Sicard précise, en outre, qu'il y avait 7 cabestans aux Grandes-Dalles... Mais oui je te rejoins ce n'est plus le cas au moment de la photo.


Interrogations et compléments :
La colonne de l'ouvrage en question, semble en mauvaise état dans sa partie supérieure ce qui conforte l’idée d’une dégradation non réparée comme la partie évidée de cette construction.

Pourquoi les bordures sont horizontales, oui pourquoi cet ensemble fait comme s'il encadrait un chemin qui partirait de la route et continuerait en gardant le même niveau... Un peu comme ça...