Une pharmacie illégale aux Petites-Dalles en 1908
" La pharmacie de la Tour "

(Sur un document découvert par Sébastien Périaux dans la Gazette du Palais de 1909)



En 1908 a existé une pharmacie illégale aux Petites-Dalles, la "Pharmacie de la Tour", ouverte par M. Duvergier. Cette pharmacie très éphémère fut fermée à la suite d'une plainte du pharmacien de Sassetot. Ci-dessous un extrait dela Gazette du Palais de 1909 qui publie le jugement condamnant ce pharmacien, M. Duvergier, et son employé, M. Raoul.

Extrait de la Gazette du Palais

Ministère public, Blanquet et Ouf ès qualités
c. Duvergier et Raoul,

LE TRIBUNAL,

Attendu que Raoul Pierre et Duvergier sont prévenus :

1° Raoul d'avoir, en 1908, aux Petites-Dalles, puis à Saint-Martin-aux-Buneaux, préparé, vendu ou débité des médicaments sans être muni d'un diplôme de pharmacien ;

2° Duvergier de s'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, rendu complice du délit ci-dessus spécifié ; Raoul et Duvergier, d'avoir dans lesdites circonstances, ensemble et de concert, ouvert illégalement une officine de pharmacie ;
Attendu qu'il résulte des renseignements recueillis, du dossier et des débats, que Duvergier a loué d'abord aux Petites-Dalles, puis à Saint-Martin-aux-Buneaux un immeuble dans lequel il a installé une pharmacie portant, en dernier lieu, l'enseigne de « Pharmacie de la Tour » ;
Attendu qu'il y a installé le sieur Raoul, son élève que d'ailleurs Duvergier ne méconnaît pas ce fait ;
En ce qui concerne Raoul :
Attendu que celui-ci n'était que l'employé de Duvergier, payé par lui, ne devait travailler que sous ses ordres et pour son compte ; que dans ces conditions on ne saurait retenir contre lui le délit d'ouverture illégale d'une officine de pharmacie ; qu'il y a lieu de le relaxer de ce chef ;
En ce qui concerne Duvergier
Attendu qu'il n'a fait de déclaration d'ouverture de pharmacie à la sous-préfecture d'Yvetot que le 3 novembre 1908 ; qu'en fait, son officine a fonctionné depuis juin 1908 jusqu'aux premiers jours de décembre 1908 que par ce seul fait de non-déclaration sa pharmacie était illégalement ouverte ; mais qu'en outre il reconnait qu'il fabrique et vend à Argenteuil un produit pharmaceutique connu sous le nom de « Tisane du curé de Deuil » ; que dans ses prospectus il s'intitule pharmacien à Argenteuil ; qu'ainsi il avait simultanément la direction de deux officines ; que des témoignages entendus, il résulte qu'il ne faisait que de rares apparitions à Saint-Martin-aux-Buneaux qu'il a ainsi commis le délit d'ouverture illégale d'une officine de pharmacie à Saint-Martin-aux-Buneaux en 1908.
En ce qui concerne Raoul et Duvergier :
Attendu, en outre, qu'il est constant que Raoul a préparé, vendu et débité à Saint-Martin-aux-Buneaux, au cours de l'été 1908, des médicaments, sans être muni d'un diplôme de pharmacien que notamment le 2 juillet 1908 il a livré, à la dame Plé, du baume dentaire et des cachets antinévralgiques ; que dans l'enquête faite par la gendarmerie de Cany (procès-verbal 329) Raoul a déclaré que pendant les absences de Duvergier c'était lui qui s'occupait des médicaments, bien que n'ayant pas de diplôme ; que Duvergier l'en avait chargé, donnant ainsi des instructions à son employé pour commettre le délit ; que ce faisant Raoul a préparé et vendu des médicaments sans être muni dit diplôme de pharmacien ; que Duvergier s'est rendu complice de ce dernier délit ;
Attendu que Blanquet, pharmacien à Sassetot-le-Mauconduit, et Ouf, agissant au nom et comme président de la Société libre des pharmaciens de Rouen et de la Seine-Inférieure, syndicat professionnel départemental, se portent partie civile et demandent qu'il leur soit alloué : Blanquet 1.000 francs et Ouf 500 francs, à titre de dommages-intérêts, pour le préjudice que Raoul et Duvergier leur ont causé par leurs agissements ; qu'ils demandent en outre au tribunal d'ordonner ta fermeture de la pharmacie ouverte aux Petites-Dalles, puis à Saint-Martin-aux-Buneaux et l'insertion du jugement dans divers journaux aux frais du prévenu ;
Attendu qu'en commettant les délits relevés contre eux, Raoul et Duvergier ont incontestablement causé à Blanquet et au Syndicat des pharmaciens un préjudice, dont ils doivent réparation et que le tribunal a les éléments suffisants pour apprécier ; qu'en ce qui concerne Blanquet, établi pharmacien dans la commune voisine, il s'est vu enlever une partie de sa clientèle, au moment de la saison balnéaire, et a ainsi éprouvé un préjudice assez important ; que Duvergier reconnait lui-même qu'il avait une clientèle et faisait une certaine recette, laquelle était faite au préjudice de Blanquet ; qu'en ce qui concerne le syndicat, représenté par Ouf, il n'a qu'un intérêt de principe dans l'affaire, et n'a subi qu'un préjudice moral de minime importance ; qu'il n’allègue d'ailleurs aucun fait de préjudice matériel et ne demande pas à en faire la preuve ; qu'il y a lieu, d'ailleurs, d'observer que Duvergier est pharmacien diplômé et qu'il lui eût suffi de se conformer aux formalités légales pour pouvoir exercer sa profession ; que le tribunal accordera une réparation suffisante du préjudice causé, en allouant à Blanquet une somme de 300 francs, à titre de dommages-intérêts et à Ouf ès qualités une somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts ; que les faits, ci-dessus spécifiés, constituant les délits prévus par les art. 25 de la loi du 21 germinal an XI et 6 de la déclaration du roi du 25 avril 1777 ;
Par ces motifs,
Dit que Raoul a illégalement préparé et vendu des médicaments en 1908, à Saint-Martin-aux-Buneaux ;
Dit que Duvergier s'est rendu complice du délit commis par Raoul ;
Dit que Raoul n’a pas ouvert d'officine de pharmacie audit lieu ; qu’il n'était que l'élève de Duvergier, le relaxe de ce chef ;
Dit que Duvergier seul s'est rendu coupable d'ouverture illégale d'une officine de pharmacie en 1908, aux Petites-Dalles et à Saint-Martin-aux-Buneaux ;
Et leur faisant application des art. 25 de la loi du 21 germinal an XI et 6 de la déclaration du roi du 25 avril 1777, dont lecture a été donnée par M. le Président ;
Condamne Raoul et Duvergier chacun en 500 francs d'amende ;
Les condamne conjointement et solidairement à payer à Blanquet 300 francs et à Ouf ès qualités un franc, à titre de dommages-intérêts ;
Prononce la fermeture de l'officine ouverte par Duvergier aux PetitesDalles et à Saint-Martin-aux-Buneaux, en tant qu'illégalement ouverte ;
Dit qu'il n'y a lieu d'ordonner les insertions demandées ;
Condamne Blanquet et Ouf ès qualités aux dépens, sauf leur recours contre les condamnés qui devront les supporter définitivement ;
Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps ;
Et attendu qu'en l'absence d'antécédents judiciaires...
Sursis à l'exécution de la peine prononcée contre Duvergier et Raoul.
M. Thibierge proc. — Mes Olivier avoué et Simon Juquin (du barreau de Paris) av.