Au départ des Allemands, fin août 1944, le pays est méconnaissable. La plupart des maisons, notamment celles près de la côte, sont en ruines. La plage et ses abords sont truffés d'obstacles divers. Tout est miné. Les mines posées au niveau de la route sont facilement repérables, le goudron ayant été enlevé pour les mettre en place. Il n'en est pas de même en dehors de la route où elles sont invisibles et très dangereuses. Un profond fossé antichar coupe perpendiculairement le fond de la vallée. Un canon hors d'usage restera pendant plusieurs mois dans le bunker de la falaise côté Saint-Martin.
La vie reprend progressivement aux Petites-Dalles. Les habitants se réinstallent et les vacanciers viennent dés qu'ils le peuvent juger des dégâts et prévoir la reconstruction de leur maison selon leurs possibilités.
Dés l'été 1946, nous retournons en vacances aux Petites-Dalles. De très nombreuses villas sont encore en ruines. Malgré l'interdiction formelle de nos parents, nous allons jouer dans ces ruines mystérieuses et inquiétantes. C'est, pour nous gamin, la grande aventure.
Les Petites-Dalles sont certes un village de vacances, mais les habitants qui y vivent toute l'année sont encore nombreux : d'anciens marins, des artisans, des retraités, des commerçants. L'adduction d'eau avait été réalisée avant et pendant la guerre, en 1939-45. Jusque là, on avait des citernes et on allait puiser l'eau potable dans les quelques puits disponibles aux Petites-Dalles moyennant tout un système de servitudes et de droits de passage pour pouvoir accéder à ces puits.
En 1950, on dénombre aux Petites-Dalles 3 cafés-restaurants :
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Il y a 4 épiceries :
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Il existe même une mercerie "Au chic de Paris", tenue par "Mamy Dany". D'abord située dans le petit centre commercial construit par M. Gilles entre le Charcutier Talbot et le coiffeur, elle migre après la guerre au 17 rue Joseph Heuzé. Elle ferme assez rapidement, dans le courant des années 50. (Information donnée par Jean-Claude Michaux).
Des commerçants descendent en été des communes de Saint-Martin et de Sassetot : 3 bouchers et un charcutier, Talbot. Ce dernier est justement réputé ; une longue file d'attente patiente devant sa boutique (actuellement le 72 rue Joseph Heuzé) avant son arrivée en fin de matinée. On raconte que le fils de monsieur Talbot, dans sa jeunesse, voulait être architecte ; son père déjà charcutier renommé à Sassetot aurait rétorqué à cette demande "Mon fils tu feras de l'architecture dans le saindoux" et de fait monsieur Talbot-fils prit la succession de son père en réussissant particulièrement bien dans cette profession. Une marchande de fromage descend en saison avec sa petite charrette à bras pour vendre des fromages blancs, les "petits coeurs", et de la crème fraîche. Enfin 2 maraîchers : Fernand Guéroult des Petites-Dalles et Capon de Paluel descendent le matin pour s'installer sur le trottoir et vendre les légumes de leur jardin ; Fernand Guéroult, accompagné de son épouse Alphonsine, devant la villa Les Bambous, au 82, et Capon devant le 96 rue Joseph Heuzé.
Des 3 hôtels d'avant la guerre, le "Grand Hôtel des Bains", l'hôtel des "Pavillons" et l'hôtel du "Clos Normand", seul ce dernier rouvrira, après les hostilités. Il poursuivra son activité hôtelière pendant plusieurs années avant d'être transformé en maison de retraite dépendant du Centre Hospitalier de Fécamp, puis de fermer définitivement. Dupuis et Perrot louent également des chambres.
En été deux salles de cinéma fonctionnent, chacune deux fois par semaine ; l'une à l'hôtel du Clos Normand, l'autre à l'ancien hôtel des Pavillons. Le confort y est très rudimentaire : des chaises pliantes pour les privilégiés et des bancs pour les autres. Les séances sont souvent entrecoupées d'incidents techniques divers ou du simple changement de bobines. Le spectacle est autant dans la salle que sur l'écran.
Il y a enfin une école primaire qui fermera définitivement en 1962 ou 1963.
Dans les années 60 et 70, Madame Robert, dite "Marceline" du nom de la maison où elle officiait initialement, vend la production de sa ferme, située dans le fond du pays ; essentiellement du lait, de la crème fraîche et des fromages blancs : les "petits coeurs". Chaque soir une longue file de Petits-Dallais attend, devant la maison où elle vend ses produits, l'arrivée de son mari chargé des pots de lait de la traite qu'il vient de faire. C'est le moment de se tenir au courant des derniers petits potins du village !...