Quelques éléments sur la géologie du Pays de Caux

(Michelle Caralp, Jacques Destombes et Jacques Lucas)

Le Pays de Caux est constitué d'un plateau sédimentaire datant du Crétacé supérieur (en vert sur la carte), c'est-à-dire de la fin de l'ère secondaire (de 100 à 65 millions d'années).

 

Extrait de la carte géologique au 1/500 000 éditée par le BRGM (Orléans La Source) 1980

La craie est l'élément prédominant de son sous-sol. Le dictionnaire de géologie de A. Foucault et J.-F. Raoult nous en donne la définition suivante :

Du latin creta, craie ou glaise, la craie est une roche sédimentaire, marine, calcaire (90 % ou plus de CaCO3), à grain très fin, blanche, poreuse, tendre et friable, traçante. Elle est formée pour la plus grande part d'une accumulation de coccolithes (pièces calcaires de 2 à 10 microns de végétaux unicellulaires, les Coccolithophoridés) et contient souvent des foraminifères planctoniques (Hedbergelles, Globotruncana)...

Les foraminifères planctoniques, d'après les genres et espèces rencontrés, permettent de dater les couches calcaires, parfois à 200 000 ans près.

La craie contient des silex répartis en couches horizontales. Ce même dictionnaire nous donne la définition suivante du silex :

Mot latin de signification analogue, roche siliceuse constituant des accidents dans des couches calcaires, formée de silice (calcédoine, quartz, un peu d'opale) d'origine biochimique, précipitant dès le début de la diagenèse dans le sédiment encore meuble. Ils sont de forme irrégulière : en rognons, en tubercules, en colonnes, en couches, en réseau, en filons. On distingue généralement deux parties : un coeur ou noyau plus sombre, gris ou noir, et un cortex plus clair. La croissance du silex se fait de manière centrifuge, c'est la partie externe qui est la moins évoluée et la partie interne qui est la plus évoluée. Les silex sont parfois en lits continus, mais plus souvent en rognons disséminés ou groupés en niveaux parallèles à la stratification (par exemple dans la craie). Le silex est une roche dure, à grain très fin (calcédoine et quartz cryptocristallins, sans grains détritiques), jaune clair, brune à noire, à cassure lisse et conchoïdale, à éclat luisant ; les éclats de silex sont à bords aigus et translucides. La limite avec le calcaire (ou la craie) est bien tranchée, et les rognons s'en séparent souvent aisément...

Certains organismes sont capables de précipiter et de fixer la silice pour la construction de leur squelette (silicoflagellés, radiolaires, diatomées, éponges). Dans le bassin de la craie, ces animaux ou végétaux devaient proliférer et ils ont vraisemblablement contribué à enrichir la boue crayeuse en silice amorphe. A leur mort, la stabilité de la silice n'est plus assurée et la silice dissoute enrichit l'eau interstitielle. Les couches de silex sont liées à la rythmicité des dépôts crayeux. Dans certaines formations rythmiques, les silex se cantonnent dans la moitié supérieure de la séquence élémentaire (20 à 40 cm).

Coccolithophoridés

La craie est formée à 90 % de Coccolithophoridés, végétaux unicellulaires très petits (2 à 10 microns) aux squelettes calcaires.

 


Elle contient en petites quantités des foraminifères planctoniques qui permettent de dater les couches géologiques.

Ici un globotruncana

(De : Treatise on Invertebrate Paleontology, Moore Editor, University of Kansas 1964, C661)

 

Globotruncana (400 à 500 microns)

Le silex s'est formé à partir de tests siliceux d'organismes unicellulaires microscopiques (aux alentours du micron) animaux ou végétaux :

On reste confondu devant la beauté et la variété du squelette de ces organismes unicellulaires. Ici quelques autres exemples de ces merveilles de la nature...


Pourquoi les falaises de craie du Pays de Caux sont-elles striées horizontalement de couches de silex ?

(par Jacques Lucas, professeur à l'Université de Strasbourg)

 

Une couche de silex dans la grotte des Petites-Dales

Voici une explication plausible de la disposition des silex dans la craie.

La craie est une roche sédimentaire d'origine purement biologique par l'accumulation de tests de micro-organismes à squelette externe carbonaté. Le milieu de dépôt est celui d'une plateforme continentale ennoyée sous une très faible épaisseur d'eau marine. Les micro-organismes marins sont très sensibles au milieu où ils se développent, et leur prolifération peut conduire à la modification de ce milieu et par conséquent à la modification de la population biologique elle-même. Ainsi, dans le milieu qui a donné naissance à la craie, il se développe des organismes à test carbonaté et des organismes à test siliceux dont la proportion varie suivant l'état du milieu, en particulier suivant la quantité d'oxygène disponible.  En allant des milieux les plus oxydés (plus proches de la pleine mer où l'eau est constamment renouvelée) vers les milieux plus anoxiques (plus isolés par des ondulations de la plateforme par exemple),  les micro-organismes carbonatés cèdent peu à peu la place à  des organismes à test siliceux, puis à des organismes à test organique. Tous ces milieux se trouvent sur la plateforme "crayeuse" du Bassin de Paris, où sont localement rencontrées des formations de phosphates provenant de la transformation de vases réductrices riches en matière organique.

Ces changements de milieu décrits géographiquement peuvent aussi se produire dans un même lieu pendant les longues durées géologiques où les conditions de milieu, température, profondeur de l'eau, agitation, pluies, etc., ne peuvent pas être imaginées rigoureusement stables.

A partir de ces données, il est possible de concevoir un changement de l'activité biologique correspondant, par exemple, à un confinement du milieu, lui-même lié à cette activité. Un développement trop abondant des microorganismes carbonatés diminue la quantité d'oxygène disponible dans l'eau et favorise l'augmentation des organismes siliceux, de sorte que les vases déposées sont de plus en plus chargées en silice. Ce système peut aller jusqu'à l'exclusivité des organismes à test organique et donc au dépôt de vases organiques. Dans le temps, des changements d'environnement provoquent des récurrences plus ou moins fréquentes de la série qui se répète, plus ou moins complète. Il peut ainsi s'accumuler des sédiments à dominance carbonatée où s'intercalent des niveaux riches en silice. Pendant la période de diagenèse, la craie se "durcit" avec plus ou moins de silice (qui peut oublier le crissement de la craie sur les tableaux noirs, dû aux grains de silice ?). Dans les milieux les plus riches en silice, les silex se développent, au cours de cette diagenèse, par précipitation de silice plus ou moins hydratée transportée par les solutions intergranulaires.

Les zones les plus favorables à la formation de silex sont bien entendu celles qui étaient les plus riches en silice d'origine, encore enrichies par le drainage de la silice des zones voisines. Si le système sédimentaire est récurrent, la diagenèse se calque sur cette récurrence et les silex se forment dans des niveaux horizontaux plus ou moins étendus et plus ou moins espacés.

 

Petite bibliographie :