Quelle est l'origine du nom des
Petites-Dalles?
Nouvelle analyse par Sébastien Périaux
Après plusieurs
années de réflexion, de recherches et d'analyses, force
est de constater que l'étymologie des Petites Dalles est
toujours dans une impasse. Après avoir tenté d'expliciter
le sens de petites et grandes par des termes norrois ( se reporter a
l'essai précédent ), la présence dans la toponymie
cauchoise de termes qui mélangent les racines romanes et les
racines norroise fait qu'il est impossible de postuler quoi que ce
soit. Il est bien possible que le terme "dalle" soit entré - ne
serait ce que temporairement - dans la langue cauchoise, tout comme "le
tot", ou "le thorp" ainsi que d'autres mots.
On a pensé qu'il faudrait alors repartir des faits les plus simples.
En partant de la constatation maintes fois faites que la
vallée des Petites Dalles est a tous points de vue la plus
grande, il faut pour expliciter cette apparente contradiction pouvoir
replacer les Petites et les Grandes-Dalles dans leur contexte
historique et géographique.
L'argument central, celui de leur localisation est en faveur
d'une appartenance commune à Sassetot. Les raisons sont les
suivantes:
- Leur nom est d'origine scandinave (norroise est le terme exact linguistiquement parlant) tout comme
- Sassetot ( Le terrain (1) ) de Saxi, ou du Saxon, moins probable ),
et des hameaux suivants:
- Houlgate ( le chemin creux ),
- Anneville ( La ferme de Ansleikr )
- Briquedalle ( la vallée abrupte ou la vallée du pont - moins probable ),
- Criquemanville ( la ferme du prêtre ? )
ce qui ferait de Sassetot un village pratiquement 100%
scandinave, en oubliant les Bruyères et les Malsaizes (
étymologie inconnue ) et Le Hêtre ( Le Aitre, la cour
intérieure, du latin Atrium ? )
On peut aussi rajouter le lieu dit des Catelets si on y voit
une origine non pas romane ( les fortins ) mais norroise : Skak Sletta,
le plateau de terrain plat, qui cadre bien avec la description du
relief. Ou encore Kati Sletta, le terrain plat de Kati ( nom d'homme
norrois ), si les Catelets étaient il y a 1000 ans
rattachés a la terre et occupés par l'homme. A noter en
passant que la présence d'une langue de terre se pronlongeant
jusqu'aux Catelets pourrait expliciter une vallée plus petite
car refermée ( mais on parle de vallée (dal) et non
d'embouchure de vallée ( vik ou fleur ) et donc cette
hypothèse reste très hasardeuse ).
- de plus la localisation de chaque vallée est sur un
coté du versant de Sassetot, ce qui expliquerait la
nécessité pour les vikings s'installant en 911 comme
nouveaux seigneurs du village de différencier les deux
vallées l'une par rapport à l'autre. La Grande et la
Petite.
De façon à compléter le raisonnement,
Saint Martin-aux-Buneaux présente davantage de caractères
romains francs ou saxons que Scandinaves, du moins par rapport a
Sassetot :
- la présence possible d'une voie romaine ( La Grand Rue )
- la présence de toponymes romains, Francs ou Saxons ( pré scandinaves ) :
- Saint Martin-aux-Buneaux ( Martinus, romain ) et Buneaux ( Busnel, Franc, voir plus bas )
- Vinchigny du franc ou saxon witso, avec la terminaison
en "gny" ( terminaison gallo-romaine en -iacus ) qui indique bien un
lieu,
- Septimanville, Le domaine de Sedeman ( nom germain )
- La Grand Rue, toponyme roman
- Le Val, toponyme roman
- Le Beau Soleil qui serait un vestige d'un toponyme celtique dédié au dieu gaulois Belenos
- Le Port, toponyme roman ( à noter l'emploi d'un
mot latin pour designer une ouverture sur la mer, ce qu'un port est au
sens strict du terme, au contraire du mot hable )
- Le Marché toponyme roman
contre un seul toponyme scandinave :
- Tournetot ( Le terrain de Turold ).
A signaler au voisinage
immédiat de Tournetot, mais sur la commune de Vinnemerville, le
toponyme scandinave de Raffetot ( le terrain de Hrolf ? ). Il existe
donc une petite poche scandinave entre St Martin et Vinnemerville.
Peut-être que Tournetot était à la période
de la colonisation viking rattaché à l'autorité du
Viking Vinmar ( qui a rebaptisé le Village qui allait devenir
Vinnemerville ) ?
On peut éventuellement ajouter celui de
- Villon ( si Villo est un nom norrois, il peut avoir
aussi été donné par la légende du
contrebandier qui se serait réfugié dans « les
chambres ( les grottes ) de Villon ». Mais son nom complet est
« Fonds de Villon » qui comprend au moins un mot latin (
fonds ) ;
Ainsi que celui disparu de
- La Ferme d'Epreville, situé soit sur
l'emplacement de « la Ferme » soit davantage à
l'Ouest en direction de la Plage des Petites Dalles. Ce toponyme aurait
pour origine Aspert, un nom de personne germanique.
Les toponymes de St Martin sont donc peu marqués par l'influence norroise, contrairement a Sassetot.
- les deux vallées menant a la mer de chaque
coté du plateau sont Les Petites Dalles à l'ouest et Le
Val - Le Port à l'Est. On note l'usage de deux toponymes dans
deux langues différentes si les Petites Dalles sont
rattachées a Saint Martin ce qui serait un peu conflictuel.
D'ailleurs, le mot val est bien d'origine latine tout comme la petite
vallée affluente de celle des Grande Dalles « le Vauchel
» (2) situé sur la commune de St Pierre en Port.
VAUCELLE a probablement la
même origine que Vauchel, désignant un petit vallon ( donc
celui qui habite ou a des terres dans ce vallon ). D'autre part, le mot
vauce est mentionné en ancien français, et viendrait du
latin vallica. Vaucel ou Vauchel comportent le diminutif - ellus.
Cela confirme que quand il y a une désignation
latine ( antérieure ou postérieure à la
colonisation viking ), on utilise bien la racine « val » et
non la racine dal : Le Val a Saint Martin et le Vauchel a Saint Pierre
en Port. Saint Pierre en Port semble présenter des toponymes
uniquement pré scandinaves et son profil s'apparenterait donc a
celui de St Martin.
- Saint Martin est marqué par la présence d'une
seigneurerie puissante à en croire les spécialistes (
source manquante ), peut être viking ( Bunouf ) mais peut
être franque avant tout ( Busnel / Bunel ),
matérialisée par un château-fort de taille
hypothétiquement respectable. Ce château devait
avoir l'aspect du château-fort de Malleville ( fortifications en
ruine, pas le manoir actuel sauf s'il a été
remanié ) ou celui de Grainville, doté d'un donjon de
pierre central, entouré d'un mur d'enceintes. La présence
très fréquente de gros blocs de grès
réemployé dans les bâtisses tout autour du centre
du village, ainsi que l'édification d'un très gros
beffroi en grès, la présence d'un stock abandonné
de blocs de grès dans le bois du château, la
disparité des chapiteaux de colonnes séparant les deux
nefs de Saint Martin sont autant d'éléments qui laissent
supposer un réemploi massif et systématique d'une
quantité de grès tout autant massive. Le
château-fort de Saint Martin se trouve peut-être dans son
église et ses maisons.
Avec 1800 habitants en 1870 ( contre 600 aujourd'hui) ou 350
feux sous Louis XV ( source Quid ), la présence d'une «
foire très importante au 13ème siècle » qui
se tenait le 19 septembre, Saint Martin-aux-Buneaux pour la même
superficie, avait une grande importance, certainement plus grande que
celle de Sassetot-le-Mauconduit pour lequel rien d'aussi précis
n'est mentionné. L'église de Saint Martin est très
grande, son clocher ( originel ) sur son beffroi en fait un des
édifices les plus hauts de la cote du Pays de Caux.
Tout ceci laisse penser que les Vikings ont trouvé en
Saint Martin un village assez peuplé et se sont installés
dans un coin plus désert, celui de Sassetot. L'expropriation
totale et systématique aurait provoqué des
soulèvements ce qui n'est pas le cas en Neustrie après
911. De plus les colons vikings n'étaient pas très
nombreux ( ce qui explique la disparition rapide de leur influence
culturelle et linguistique ; les vikings se sont fondus rapidement dans
la population neustrienne gallo-romano-franque ). Du coup, les
toponymes viking auraient fleuri sur ce village avec l'apparition des
toponymes Petites Dalles et Grandes Dalles, alors que Saint Martin
demeurait un village culturellement neustrien.
Tout comme le Vauchel est un nom latin car il est
utilisé par ceux qui utilisent ce passage ( les habitants de
Saint Pierre ), il parait logique de proposer que Petites et Grandes
Dalles sont nommés ainsi par ceux qui s'y rendent, ou ceux qui y
vivent. Ce ne sont pas des toponymes de nom de personne, mais des
descriptions de relief en norrois. Ce qui signifie soit que les deux
vallées étaient vides d'habitant au Xème
siècle, soit que leur propriété n'avait pas lieu
d'être précisée par leur nom. Cela renforce la
probabilité qu'elles devaient toute deux appartenir au
même chef viking Saxi, sur son domaine ( Sassetot ). Mais bien
entendu, cela ne prouve rien.
Si cette hypothèse doit être retenue, il est
alors plus facile de voir dans les Grandes Dalles, un lieu d'habitation
- restreint - ou de mouillage ( documenté ) plus important
déjà a l'époque Viking que dans les Petites
Dalles. Il n'est pas impossible qu'a cette époque, compte tenu
des événements, les Petites Dalles aient
été totalement désertes ou désertées.
Il y a une explication logique : la très grande
majorité des cartes géographiques ancienne de la
région montre bien l'abri que constitue le renfoncement du trait
de côte aux Grandes Dalles.
Cela favorise l'activité de pêche
côtière, ainsi que le mouillage par rapport aux autres
sites environnants.
De plus, il faut garder a l'esprit que l'habitat (3) ne
s'établit pas, à ces époques de constructions peu
résistantes et peu protectrices contre le froid, le vent et
surtout l'humidité marine, sur les abords mêmes du rivage,
mais plus haut dans les valleuses. La résurgence des eaux de
ruissellement à l'aval de ces valleuses sèches, soit
permanent ( exemple de la veulettes - aujourd'hui souterraine et
détournée par l'homme - , de la ganzeville, de la veules,
de la valmont ) soit temporaire après des épisodes
orageux ( exemple des Petites Dalles en 1977 ) empêche
l'établissement durable a cause des « pollets », ces
tas de galets accumulés par le ressac marin, qui font office de
barrage et font refluer les eaux dans la valleuse. (4)
On peut citer l'exemple de Veulettes dont le centre
historique se situe à trois cents mètres du rivage
actuel. Dans la grande vallée de la Durdent, le dernier village
( Paluel ) et le dernier hameau ( Saint Gilles ) se situent à
près d'un kilomètre du rivage. Le port de Claquedent
à l'embouchure de la Durdent a pu ne jouer aucun rôle en
ce qui concerne l'habitat, se cantonnant a une activité
uniquement professionnelle de pêche, et de fret. Par ailleurs,
les croisements et les chemins de côte des Petites et Grandes
Dalles, se situent également à quelques centaines de
mètres en amont du rivage. Il faut donc situer l'habitat
originel plus en amont des vallées que sur le rivage.
Il faut noter d'autre part que parmi les habitants de Saint
Martin, ce qui n'étaient pas marins mais qui pouvaient vivre ou
faire un menu commerce de la pêche sur l'estran avaient pour la
moitié de leurs hameaux la possibilité de descendre par
le Port. L'autre moitié ( ceux de la Grand-Rue, de Vinchigny )
devait logiquement descendre a la mer par Les Petites Dalles.
Une partie des habitants de Saint Pierre et une bonne partie
de Sassetot pouvaient utiliser les Grandes Dalles. L'autre partie de
Sassetot utilisant les Petites Dalles par le chemin de « Houlgate
». Cela dit il y a avait peut-être un droit de pêche
et de mouillage a respecter entre villages.
Il parait également possible que ceux de Vinnemerville
descendissent a la mer par les Petites Dalles, mais Vinnemerville n'est
pas un village côtier donc il est difficile de savoir quelle
proportion de ses habitants vivaient des produits de la mer. On serait
tenté de dire peu.
En revanche l'exposition au vent de la vallée du Val
menant vers le Port, l'absence de fonds plat de cette valleuse ( ne
serait-ce que pour y remiser, réparer bateaux et matériel
de pêche ), et son exposition à la mer ont naturellement
interdit l'activité de pêche en mer a partir de barques,
et donc son utilisation comme port d'échouage. C'est donc les
Petites Dalles qui ont pu jouer ce rôle pour les pêcheurs
de St Martin, et qui ont assuré sa vocation maritime si
importante, dont la fête de « la St Pierre des Marins
» n'est pas la moindre commémoration.
Il est donc possible de voir, avec l'essor
démographique de Saint Martin-aux-Buneaux sur la base de sa
taille importante a l'époque franque, une utilisation des
Petites Dalles de plus en plus Saint Martinaise, tandis que les
Sassetotais se concentraient sur les Grandes Dalles. L'appropriation
sociale du site ne serait donc apparue que tardivement,
postérieurement a l'occupation politique et administrative
viking.
En conclusion temporaire, nous serions tentés de
postuler que Saxi, Seigneur de la terre déserte de Sassetot, a
pris ou reçu possession ( des principaux chefs Vikings ) de deux
valleuses, les deux Dalles dont l'une était petite et l'autre
par leur mouillage ou par leur habitat tels que vus par les habitants
qui parlaient le francien. Le site des Grandes Dalles, à
l'époque viking le port d'échouage le plus important et
le plus pratique par son mouillage des deux vallées, aurait vu
progressivement son importance diminuer relativement avec l'essor de
celui, secondaire au départ, des Petites Dalles, alimenté
par le développement démographique et économique
de Saint Martin-aux-Buneaux. Le 18ème et le 19ème
siècle amplifiera la tendance, qui deviendra évidente
avec la transformation de la vallée pêcheurs en lieu de
villégiature bourgeoise et aristocratique a la mode a partir de
1860.
Sébastien Périaux
Août 2009
1) un "tot" du norrois
"tofta" est techniquement parlant un lot de terrain avec une maison en
ruine ou non habitée libre de droits de
propriété.On peut aussi appeler cela une "masure". Il
faut comprendre qu'en 911, une grande partie des Neustriens avaient
déserté leurs habitats ( ou étaient morts) du fait
des raids et des pillages, ce qui fait que bien des
propriétés étaient inhabitées, et donc
colonisables par les Vikings. Les toponymes en tot désignent
donc cette colonisation d'espace libre. En revanche, un toponyme en
-ville, précédé d'un nom de personne norrois
indique la présence d'une activité agricole, et par
conséquent un domaine agricole actif, donc avec des Neustriens
employés ( ou en servage) au moment de l'appropriation ou juste
après. Il est amusant sur ce point de penser que les milliers
d'appropriation qui ont eu lieu en 911 ont forcément posé
des problème de communications car les neustriens restants et
les vikings arrivants ne parlaient pas la même langue. On imagine
qu'un service d'interprétariat, probablement assuré par
le clergé via le latin a dû exister, ne serait ce que pour
l'enregistrement des titres de propriété nouvellement
créés. Pour la vie quotidienne et l'organisation des
structures sociales il parait plus plausible de penser que la cote de
Neustrie était devenue suffisamment déserte pour que les
Vikings ne rencontrent que peu de problèmes d'administration. En
revanche la disparition très rapide de leur culture (sauf dans
la toponymie et certaines partie du vocabulaire) montre que les
neustriens avaient forcement l'avantage démographique quelques
années après. C'est n'est pas comme en (Petite) Bretagne
ou les Bretons émigrants de (Grande) Bretagne ont fait souche et
imposé leur langue qui a perduré jusqu'à
aujourd'hui.
On imagine donc que Sassetot a du être
déserté et non St Martin aux Buneaux, ce qui est
intéressant. Si il y a eu un raid par la mer, il est clair que
les deux vallées mènent a Sassetot et non a St Martin.
2) Serait il par ailleurs possible que le Vauchel soit
le Daletis - la petite vallée- mentionnée dans un
manuscrit médiéval a coté de Dalis? Il est peut
être trop petit et inhabité pour être
mentionné dans un acte juridique.
3) Selon les fouilles archéologiques, l'habitat
curieusement n'a pas changé depuis 1000 ans: l'emploi de la
brique, du silex et des colombages est déjà
pratiqué sous l'époque gallo-romaine ( qui commence en
-56 ). Le paysage des villages est donc quasiment le même depuis
2000 ans! En revanche les fortifications en 900 et quelques sont encore
en bois, et n'utiliseront la pierre qu'au milieu du Moyen Âge (
après le XIe siècle). Si en 911 les vikings ont
trouvé un château-fort à St Martin ou a Sassetot,
il s'agissait probablement de mottes féodales, palissées
tout autour de bois, sur laquelle se dressait un donjon en bois et
pierre sèche. A moins que pour St Martin il y ait eu une
bâtisse de l'époque gallo romaine en dur ayant
demeuré en usage.
4) C'est le pollet de la vallée de Veulettes
combinée a celui de la vallée de la Durdent qui a
contribué au déclin du port de Claquedent, finalement
détruit par une tempête. S'il n'a pas été
reconstruit, c'est que son activité était bien trop
faible pour justifier un réinvestissement. Il faut y voir donc
tout au plus un tout petit port avec une ou deux jetées,
peut-être quelques constructions ( probablement
désaffectées) portuaires.
Sources :
- Prof. Ernest Nègre, Toponymie Générale de la France, volume I et II, Ed. Droz
- Collectif lycéen, Histoire de la Durdent
- Carte Archéologique de la France - Seine Maritime, ed. Errance
- Michel de Boüard, Histoire de la Normandie, ed. Privat
- Geoportail.fr
- Quid.fr
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