A Monsieur
Pierre Chandelier
Assurer des cailloux le
renivellement,
Rétablir avec soins leur
harmonie détruite,
Ratisser en un mot est un plaisir
charmant
Qui ne vous donnera jamais de
méningite.
Mais il est malaisé de
très bien ratisser ;
Ce n'est pas sans effort qu'on peut y
passer maître,
Et seul l'ignorantin pourrait
rapetisser
Cet art si délicat, où
l'oeil du géomètre
Doit savoir s'allier au tact le plus
parfait.
Vous ne le croyez pas, essayez, c'est
un fait.
Quand on passe près des
Lampottes
On entend le râteau qui
frotte
Et s'escrime soir et matin
A repousser hors du jardin
Ces tas de vieilles feuilles
mortes
Qui reviennent, mais il
n'importe
Poussons,
poussons,
Et je ratisse, ratissons.
Quand on a bien peiné et qu'on
a mal aux reins
D'avoir ratissé tant et tant
avec entrain,
On s'en va rechercher les plaisirs
plus tranquilles
De bridges reposants mais non moins
difficiles,
Auxquels on se complaît avec la
même ardeur
Et la même maîtrise et le
même bonheur,
Avec le même esprit de constante
offensive ;
Et les argents, les ors de tous ces
capucins,
Dont la témérité
peut paraître naïve
Sont ratissés comme les
cailloux du jardin.
Quand on vient à la
cabirotte
C'est un autre râteau qui
frotte
Et ramène hors du
molleton
Les fafiots, les ducatons ;
Et cependant qu'on fait
l'impasse
Agréablement le temps passe
:
Passons,
passons,
Et je ratisse, ratissons.