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Ami de Sarah Bernhardt, celle-ci lui dédicaça une photographie en ces termes : « Au plus fin d'esprit, la plus fine de corps. Sarah Bernhardt 1876 ». Il acheta en 1881 un terrain aux Petites-Dalles sur lequel il fit construire la villa "Les Lampottes" qui fut achevée en 1883. D'après Blowitz lui-même**, c'est l'aspect des deux tourelles rappelant des petites lampes qui aurait donné son nom à la villa: « Les Lampottes ». Jean-Claude Michaux nous donne d'intéressantes précisions sur ce nom. Voici la description qu'en donne Jacques Vincent*** : « Les Lampottes! Un ruissellement de lumière par toutes les nombreuses fenêtres plongeant sur la mer et les bois. A l'intérieur, vaste hall: salon, salle à manger, billard, reliés par de larges portes. Du hall, un escalier de chênes conduit aux étages offrant, dans des embrasures vitrées garnies de banquettes, d'agréables repos en belle vue. Les Lampottes ! C'est la création
de Blowitz. »
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siècle.* |
Les Petites-Dalles furent le théâtre de la fin tragique d'une histoire rocambolesque que Blowitz raconte dans ses mémoires. N'a-t-il pas proprement inventé cette histoire ? Une certaine madame Géorgine Elou, catholique exaltée, pour laquelle Blowitz aurait obtenu une rencontre avec le Pape Léon XIII, serait venue se jeter, sous les yeux de notre journaliste, du haut de la falaise d'Elétot sans que son corps ne soit jamais retrouvé ! Au sommet de sa gloire, de Blowitz cessa
son métier de correspondant du journal Times à
Paris en 1903 pour prendre une courte retraite. Il mourut un
mois plus tard d'une péritonite. Il était
âgé de 77 ans.
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* Tiré du livre de Frank Giles : Un correspondant très particulier : Blowitz du Times. Trévise, Collection Le Dessous Des Cartes, 1964.
** Blowitz : My memoirs. Londres 1903.
*** Jacques Vincent : Un salon parisien d'avant-guerre. Editions Jules Tallandier, Paris 1929.
Article paru en 1888 dans la Revue illustrée
signalé par M. Eric Wessberge
En 1871 il y avait à Marseille un homme d'origine austro-slave,
qui voyant la France abattue, déchirée par les factions,
eut l’idée de se faire naturaliser vaincu. C’était on le
voit un original. Ce nouveau Français se montra de suite bon
Français. Il s'employa de son mieux et fort bien à
rétablir l’ordre dans le chef-lieu des Bouches-du-Rhône,
et fut délégué à Versailles, auprès
du président de la République, par ses camarades de la
garde nationale. Quinze jours plus tard, M. Thiers ne pouvait plus se
passer de M. de Blowitz.
L'illustre vieillard aimait à interroger ce Marseillais
d'adoption qui savait tout, les hommes, les choses et même les
langues étrangères, et dont l'esprit net suggérait
à chaque instant des solutions rapides à toutes les
difficultés. Il réservait à M. de Blowitz,
disait-il, une belle place dans la diplomatie, dont un grand consulat
général devait lui ouvrir les portes. Déjà
M. de Blowitz, séduit par l'amicale insistance de M. Thiers,
avait fait ses préparatifs de départ, quand M. Lawrence
Oliphant, correspondant en chef du Times, le pria de remplacer pendant
quelques jours le correspondant versaillais, M. Hardmann, malade en ce
moment.
Blowitz consentit. Il débuta et se fit, du premier coup, une si
grande place dans le Times, qu'à la mort du titulaire, la
fonction de correspondant en chef, fonction convoitée et
âprement disputée par les écrivains et les hommes
politiques anglais, fut confiée au délégué
de la garde nationale marseillaise.
Avant Blowitz, la place de correspondant du Times était une
belle place, mais ce n’était qu'une place. II en a fait un
gouvernement. Il reçoit les ambassadeurs, confère avec
les chefs d'Etat, connaît le texte des traités avant ceux
qui les signent et dérange, d'une dépêche ou d’une
lettre, des combinaisons que leur auteur croit secrètes. Sans
rien sacrifier de ses devoirs professionnels vis-à-vis du Times,
son suzerain, notre confrère exerce sa vice-royauté en
vrai Français, ne laissant échapper aucune occasion de
défendre sa patrie adoptive et de la servir efficacement contre
ceux qui la calomnient ou la menace. Il y eut même une heure, en
1875, pendant laquelle M. le duc Decazes, alors ministre des Afiaires
étrangères, demanda à M. de Blowitz de risquer sa
situation si considérable et de se sacrifier pour rendre
à la France un service patriotique. Il s’agissait de
révéler à l'Europe les projets agressifs de M. de
Bismarck contre la France et de faire connaitre au czar, alors en route
pour Berlin, des plans que la diplomatie allemande avait le plus grand
intérêt à laisser ignorer à l'empereur de
Russie.
En entrant dans les vues de M. le duc Decazes, M. de Blowitz avait tout
à perdre. Le refus d'insertion de son article par le Times
l'obligeait à se retirer. La publication de ses
révélations diplomatiques l'exposait, d'autre part, aux
injurieuses colères de la presse allemande. M. de Blowitz
n'hésita pas. Son article, intitulé : « Un
fantôme français, » produisit dans le monde
politique une extraordinaire et salutaire émotion, et quelques
jours plus tard, on apprit que le czar était parti de Berlin,
emportant les assurances pacifiques de la chancellerie allemande, si
habilement démasquée.
Quand on a une si grande situation et le talent qu'il faut pour la
dignement occuper, on doit avoir des ennemis. M. de Blowitz en a. Mais
comme on ne peut lui contester ni l'intelligence, ni le savoir, ni
l'humour, on l'accuse de ne pas aimer la France. On a vu ce que vaut
cette accusation.
Ayant tout vu, Blowitz connaît tout. Aussi, il adore les animaux.
Il a gardé pendant plusieurs années un vieux chien, pas
beau, atteint de toutes les cruelles maladies que ta Providence, sans
qu'on sache pourquoi, se plait à infliger aux créatures.
La pauvre bête gonflée, soufflant et geignant, faisait
horreur à tout le monde et réclamait, jour et nuit, les
soins tendres de son maître. Les médecins conseillaient
à M. de Blowitz de faire tuer l'animal, encombrant et incurable.
M. de Blowitz garda son chien, et s’excusait-il : « On
ne tue pas, pour s'en débarrasser, ses amis devenus vieux et
malades. »
Voilà pour le coeur. Pour ce qui est de l'esprit, je cède
la parole à Mme Sarah Bernhardt, qui a écrit sur son
portrait offert au correspondant du Times : « Au plus
fin d'esprit, la plus fine de corps. »