Henri Georges Stefan Adolph Opper de Blowitz

(1825-1903)

 

De Blowitz d'après une miniature peinte par Winifred Hope Thomson.*

 

De son vrai nom Henri Georges Stefan Adolph OPPER. Il était né le 28 décembre 1825 en Bohême dans la petite ville de Blowitz, ou Blowice, dont il prit le nom. D'origine modeste, il se disait noble. Petit, obèse mais haut en couleur, il fut pendant 28 ans correspondant à Paris du célèbre journal anglais Times. Naturalisé Français, il avait épousé une Française de 10 ans plus âgée que lui. Il acquit une renommée internationale du fait de ses interviews, de ses reportages et de ses révélations. Il avait le don d'enjoliver la vérité, parfois à la limite de l'affabulation. Très vif d'esprit, il connaissait, ou disait connaître, tous les grands de ce monde de l'époque.

 

Blowitz en 1889
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Photo de Sarah Bernhardt

dédicacée à Blowitz.*

Pour voir la dédicace

Ami de Sarah Bernhardt, celle-ci lui dédicaça une photographie en ces termes :

« Au plus fin d'esprit, la plus fine de corps. Sarah Bernhardt 1876 ».

Il acheta en 1881 un terrain aux Petites-Dalles sur lequel il fit construire la villa "Les Lampottes" qui fut achevée en 1883. D'après Blowitz lui-même**, c'est l'aspect des deux tourelles rappelant des petites lampes qui aurait donné son nom à la villa: « Les Lampottes ». Jean-Claude Michaux nous donne d'intéressantes précisions sur ce nom.

Voici la description qu'en donne Jacques Vincent*** :

« Les Lampottes! Un ruissellement de lumière par toutes les nombreuses fenêtres plongeant sur la mer et les bois.

A l'intérieur, vaste hall: salon, salle à manger, billard, reliés par de larges portes. Du hall, un escalier de chênes conduit aux étages offrant, dans des embrasures vitrées garnies de banquettes, d'agréables repos en belle vue.

Les Lampottes ! C'est la création de Blowitz. »

 

Les Lampottes

à la fin du XIXe

siècle.*

Les Petites-Dalles furent le théâtre de la fin tragique d'une histoire rocambolesque que Blowitz raconte dans ses mémoires. N'a-t-il pas proprement inventé cette histoire ? Une certaine madame Géorgine Elou, catholique exaltée, pour laquelle Blowitz aurait obtenu une rencontre avec le Pape Léon XIII, serait venue se jeter, sous les yeux de notre journaliste, du haut de la falaise d'Elétot sans que son corps ne soit jamais retrouvé !

Vous pouvez lire la partie de ses mémoires où il évoque les Petites-Dalles, sa villa « Les Lampottes » et où il raconte cette histoire de madame Elou.

Au sommet de sa gloire, de Blowitz cessa son métier de correspondant du journal Times à Paris en 1903 pour prendre une courte retraite. Il mourut un mois plus tard d'une péritonite. Il était âgé de 77 ans.

* Tiré du livre de Frank Giles : Un correspondant très particulier : Blowitz du Times. Trévise, Collection Le Dessous Des Cartes, 1964.

** Blowitz : My memoirs. Londres 1903.

*** Jacques Vincent : Un salon parisien d'avant-guerre. Editions Jules Tallandier, Paris 1929.

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Article paru en 1888 dans la Revue illustrée

signalé par M. Eric Wessberge





BLOWITZ


En 1871 il y avait à Marseille un homme d'origine austro-slave, qui voyant la France abattue, déchirée par les factions, eut l’idée de se faire naturaliser vaincu. C’était on le voit un original. Ce nouveau Français se montra de suite bon Français. Il s'employa de son mieux et fort bien à rétablir l’ordre dans le chef-lieu des Bouches-du-Rhône, et fut délégué à Versailles, auprès du président de la République, par ses camarades de la garde nationale. Quinze jours plus tard, M. Thiers ne pouvait plus se passer de M. de Blowitz.
L'illustre vieillard aimait à interroger ce Marseillais d'adoption qui savait tout, les hommes, les choses et même les langues étrangères, et dont l'esprit net suggérait à chaque instant des solutions rapides à toutes les difficultés. Il réservait à M. de Blowitz, disait-il, une belle place dans la diplomatie, dont un grand consulat général devait lui ouvrir les portes. Déjà M. de Blowitz, séduit par l'amicale insistance de M. Thiers, avait fait ses préparatifs de départ, quand M. Lawrence Oliphant, correspondant en chef du Times, le pria de remplacer pendant quelques jours le correspondant versaillais, M. Hardmann, malade en ce moment.
Blowitz consentit. Il débuta et se fit, du premier coup, une si grande place dans le Times, qu'à la mort du titulaire, la fonction de correspondant en chef, fonction convoitée et âprement disputée par les écrivains et les hommes politiques anglais, fut confiée au délégué de la garde nationale marseillaise.
Avant Blowitz, la place de correspondant du Times était une belle place, mais ce n’était qu'une place. II en a fait un gouvernement. Il reçoit les ambassadeurs, confère avec les chefs d'Etat, connaît le texte des traités avant ceux qui les signent et dérange, d'une dépêche ou d’une lettre, des combinaisons que leur auteur croit secrètes. Sans rien sacrifier de ses devoirs professionnels vis-à-vis du Times, son suzerain, notre confrère exerce sa vice-royauté en vrai Français, ne laissant échapper aucune occasion de défendre sa patrie adoptive et de la servir efficacement contre ceux qui la calomnient ou la menace. Il y eut même une heure, en 1875, pendant laquelle M. le duc Decazes, alors ministre des Afiaires étrangères, demanda à M. de Blowitz de risquer sa situation si considérable et de se sacrifier pour rendre à la France un service patriotique. Il s’agissait de révéler à l'Europe les projets agressifs de M. de Bismarck contre la France et de faire connaitre au czar, alors en route pour Berlin, des plans que la diplomatie allemande avait le plus grand intérêt à laisser ignorer à l'empereur de Russie.
En entrant dans les vues de M. le duc Decazes, M. de Blowitz avait tout à perdre. Le refus d'insertion de son article par le Times l'obligeait à se retirer. La publication de ses révélations diplomatiques l'exposait, d'autre part, aux injurieuses colères de la presse allemande. M. de Blowitz n'hésita pas. Son article, intitulé : « Un fantôme français, » produisit dans le monde politique une extraordinaire et salutaire émotion, et quelques jours plus tard, on apprit que le czar était parti de Berlin, emportant les assurances pacifiques de la chancellerie allemande, si habilement démasquée.
Quand on a une si grande situation et le talent qu'il faut pour la dignement occuper, on doit avoir des ennemis. M. de Blowitz en a. Mais comme on ne peut lui contester ni l'intelligence, ni le savoir, ni l'humour, on l'accuse de ne pas aimer la France. On a vu ce que vaut cette accusation.
Ayant tout vu, Blowitz connaît tout. Aussi, il adore les animaux. Il a gardé pendant plusieurs années un vieux chien, pas beau, atteint de toutes les cruelles maladies que ta Providence, sans qu'on sache pourquoi, se plait à infliger aux créatures. La pauvre bête gonflée, soufflant et geignant, faisait horreur à tout le monde et réclamait, jour et nuit, les soins tendres de son maître. Les médecins conseillaient à M. de Blowitz de faire tuer l'animal, encombrant et incurable. M. de Blowitz garda son chien, et s’excusait-il : « On ne tue pas, pour s'en débarrasser, ses amis devenus vieux et malades. »
Voilà pour le coeur. Pour ce qui est de l'esprit, je cède la parole à Mme Sarah Bernhardt, qui a écrit sur son portrait offert au correspondant du Times : «  Au plus fin d'esprit, la plus fine de corps. »

Hector PESSARD.